ENTREVUE avec DMNDKT - 1/12/2013

 

 


Qu’est ce qu’un sleep disorder ?


C’est un trouble lié aux habitudes du sommeil d’un individu. Certains troubles du sommeil sont suffisamment sérieux pour interférer au fonctionnement physique, mental et émotionnel. Les dysfonctionnements du sommeil peuvent être causés par une variété de problèmes, des grincements de dents aux terreurs nocturnes. Lorsqu’un individu souffre de difficultés à s’endormir sans cause apparente, il s’agit alors d’insomnie. En addition, les troubles du sommeil peuvent conduire l’individu à dormir énormément, une condition connue sous le terme d’hypersomnie. D’autres conditions du trouble du sommeil peuvent être liées à un abus substantiel. (wiki)


Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes passé à l’acte au Forgotten Bar à Berlin en 2010 ? D’autre part pouvez-vous définir ce qu’il y a de transversal à l’ensemble des épisodes ? Le rythme des expos, la récurrence de certains artistes, le visuel/générique de l’exposition… qu’est-ce qu’un sleep disorder réussi ?


Le Forgotten Bar organisait à Berlin à cette époque une exposition tous les soirs, et on s’est dit pourquoi on ne ferait pas nous aussi une exposition avec des amis dont on aime le travail et qui nous influencent certainement aussi d’une certaine manière ? Faire des choses aussi par soi-même est une attitude qui nous a toujours intéressé et ce lieu, à ce moment précis là où nous nous trouvions, le permettait.


Le titre de l’exposition contient évidemment une référence littérale à la nuit, mais dès le départ le projet n’était pas arrêté sur l’exposition, mais plutôt sur une envie de mettre en forme un sentiment nébuleux assez incernable qui ne passerait pas que par le mode de l’exposition. Le plus souvent les épisodes de Sleep Disorders durent une soirée, le temps de l’exposition devient celui d’un concert, d’un film, d’un sommeil…
Au départ nous n’invitions que des proches, depuis nous invitons aussi des artistes dont nous ne connaissons que le travail avec l’intuition qu’ils ont leur rôle dans le projet.


Depuis 2010, Sleep Disorders est devenu une formation d’une cinquantaine d’artistes. Les épisodes apparaissent comme des collaborations dont nous serions les membres constants et chaque épisode se déroule en fonction de nos possibilités de les organiser (emplois du temps, espace, etc…) et de nos désirs, et souvent c’est la rencontre avec une oeuvre qui déclenche un nouvel épisode. Au fil des épisodes reviennent des artistes qui ont déjà collaboré; ce qui nous intéresse est de créer des formes, des situations, des expériences avec des travaux d’artistes entre lesquels on sent une proximité, d’où la récurrence de certains noms. On aime aussi donner la liberté aux artistes de faire évoluer leur travail d’un épisode à l’autre.


Les visuels sont issus de recherches du côté des forces obscures d’internet ou de documents trouvés dans des endroits particuliers. Nous aimons donner une image à chaque épisode, sans pour autant faire ressortir un artiste plus qu’un autre, le document trouvé se prête bien à faire émerger des zones de conflits, mentales et sensibles, ça pourrait être ça un Sleep Disorders réussi.


Vous voila à Paris, mais vous n’y êtes pas de retour puisque vous venez de Nancy et vous avez démarré vos vies d’artistes en Allemagne. La géographie a t’elle une importance ? Y a-t-il un ailleurs européen, une carte idéale ? Y a-t-il d’autres zones de conflit mental et sensible possible aujourd’hui en dehors de l’exposition ?
 


Nous sommes tous les deux d’anciens étudiants des Beaux-Arts de Nancy. Nous sommes partis à Berlin après nos études et après de précédents voyages dans les Pays de l’Est. Nos vies d’artistes se sont donc vite dirigées vers l’Allemagne. On nous a proposé une bourse pour Berlin, c’était une opportunité pour partir. Nous avions besoin de renouveau pour expérimenter de nouvelles choses dans notre travail respectif. Nous ne pensions pas arriver dans une ville aussi puissante et imprévisible. Le fait de se retrouver à l’étranger dans une ville comme Berlin a eu beaucoup d’influence sur nous et Sleep Disorders en est un des résultats, comme la résultante de toute une somme de conflits géographiques et sensibles.  En ce moment on est à la Cité des Arts à Paris, Sleep Disorders est un projet qui voyage avec nous et on le continue là où l’on se trouve.


Cette fidélité avec les artistes, cet esprit de famille artistique donne à chacun des épisodes un aspect très cohérent malgré le fait que vos montages d’expositions se déroulent dans une urgence, dans une précipitation (chimique) délibérée. Au delà de la confiance que vous accordez à la qualité de votre intuition, qu’y a-t-il de si particulier à concevoir une exposition en tant qu’artistes ?


C’est vrai que nous tenons à une forme d’improvisation, parfois même de surprise dans la mise en place d’un épisode. Nous nous connaissons bien, d’où sans doute une forme d’intuition et de cohérence qui nous permettent d’être rapides, et comme le projet prend place en marge de notre pratique personnelle, l’efficacité est indispensable. Au départ Sleep Disorders c’est nous deux et l’envie de faire avec d’autres artistes. Nous n’avons jamais eu envie de nous donner un titre, au risque de nous défiler face à la prose artiste et/ou commissaire que nous sentons derrière la question. En bref, c’est beaucoup de travail, mais nous ne trouvons pas ça si particulier de vouloir concevoir des expositions quand on est artiste.


Il y a quelque chose de « concept album » dans chaque sleep disorders. Ils ont chacun leur pochette, leur intro, leur durée propre, leur tracklist, leur grain, leur ingénierie, leur récit. Un disque surprenant accompagne le magazine #1/#7. Benjamin, tu es largement musicien, et Marion, tu nous as démontré par A+Minijupe qu’Alan Vega doit tout à S. Eicher. Alors… la musique ? Et on pourrait finir sur une petite playlist ?


Oui tout à fait. Quand on cherche à réunir des artistes on se pose forcément la question du sens que ça peut avoir. Nous voulions générer des énergies collectives, réunir des personnalités et nous étions pressés. S’ étant tous les deux en grande partie construits au travers de la musique et de ses dérivés (concert, disque, édition…), nous avons naturellement adopté son vocabulaire dès le début de cette série noire.


Sleep Disorders de 1940 à 2013, une possible bande son :

 

-Bukka White, Aberdeen Mississippi Blues

-Louis et Bebe Barron, Forbidden Planet

-Herschell Gordon Lewis, Blood feast

-John Carpenter, The Fog

-The Zombies, Odessey & Oracle

-Lou Reed, Rock and roll Animals

-The Goblins, Suspiria

-The Screamers, 122 hours of fear

-The Gun Club, Las Vegas Story

-Current 93, Sleep Has His House / Eliane Radigue, Psi 847

-Artur Zmijewski Singing Lesson.

 

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